Le Pavillon d'Or by Mishima; Yukio

Le Pavillon d'Or by Mishima; Yukio

Auteur:Mishima; Yukio
La langue: fr
Format: mobi
Publié: 2012-04-11T22:52:46+00:00


CHAPITRE VI

La mort de Tsurukawa m'emplit l'âme de deuil pendant près d'une année. Je me refis sans peine à la solitude. Je me rendis compte, une fois de plus, que pour moi la vie la moins pénible était celle où l'on n'adresse la parole à personne. Même mon impatience de vivre me quitta. Chaque jour mort avait son charme.

La bibliothèque de l'université était ma seule et unique distraction. Qu'y lisais-je? Non pas des livres sur le Zen, mais, à mesure qu'elles me tombaient sous la main, des traductions de romans et d'ouvrages philosophiques. Je n'ose ici donner le nom de ces écrivains et philosophes. Certes, je subis leur influence, et ils sont plus ou moins responsables de l'acte que je commis par la suite ; je tiens pourtant à croire que cet acte m'appartient en propre, et je m'irriterais notamment qu'on l'imputât à 'influence directe de quelque philosophie existante.

Je l'ai dit : ma seule fierté, depuis l'enfance, e venait de ne pouvoir me faire comprendre,et je ne me sentais nullement porté à vouloir m'exprimer de façon à être compris. Me forçais-je à clarifier ma pensée? C'était sans nulle préoccupation d'aucune sorte. Était- ce même pour me comprendre moi-même ? Je reste dans le doute ; car pareille exigence monte du fond de l'être et finit toujours par jeter un pont entre soi et les autres. Quand agissait sur moi la vénéneuse beauté du Pavillon d'Or, tout un pan de moi-même devenait opaque ; et comme cette forme d'intoxication était exclusive de toute autre, je ne pouvais lui résister que par une spéciale tension de ma volonté afin de préserver ce qui, de moi, restait clair. J'ignore ce qu'il en est pour les autres ; mais pour moi, c'est cette clarté même qui est moi, sans que je puisse néanmoins prétendre en fin de compte être possesseur d'un moi parfaitement clair…

J'entrai en seconde année d'université : c'était en 1948. Pendant les vacances de printemps, il arriva que le Prieur s'absenta un soir. Seul, sans amis, je n'avais qu'un moyen de profiter de cette liberté qui me tombait du ciel : faire une promenade solitaire. Je sortis donc et franchis le portail de l'enceinte extérieure. Près du fossé qui la bordait était planté un écriteau. Je l'avais vu cent fois, ce vieil écriteau, mais voici qu'aujourd'hui je me tournai vers lui et me mis sans hâte à déchiffrer les caractères éclairés par la lune.

avis

Il est formellement interdit ;

1. De toucher à quoi que ce soit sans autorisation ;

2. De porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à la préservation de ce domaine.

Toute infraction sera punie conformément à la loi.

Arrêté ministériel du 31 mars 1928.

De Ministre de l'Intérieur.

L'avis concernait de toute évidence le Pavillon d'Or. Et pourtant, qui l'eût pu déduire de ces termes abstraits? Et quelle conclusion était-on en droit d'en tirer, sinon que le lieu qui portait un pareil écriteau, et le lieu où se dressait l'inaltérable, l'indestructible Temple d'Or, n'avaient certainement rien de commun ? D'écriteau lui-même déterminait, en quelque sorte, à l'avance, un acte proprement impensable, impossible.



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